Ceci n’est pas une géodésique !
Piste verte Le 4 avril 2018 Voir les commentaires (3)
Dans une œuvre de M.C. Escher qui est souvent utilisée pour expliquer la géométrie hyperbolique, certaines choses ne sont pas ce qu’elles semblent être !
Quand on parle dans des exposés de divulgation de la géométrie hyperbolique, on utilise souvent l’image Cirkellimiet III de M.C.Escher pour expliquer ce que sont les géodésiques dans le disque de Poincaré.
Les géodésiques ici sont des cercles perpendiculaires au bord du disque, et souvent on montre les courbes en blanc dans l’image pour montrer une géodésique.
Eh bien, c’est faux ! Ces courbes sont bien des cercles, mais ce ne sont pas des géodésiques.
Voici pourquoi...
On doit d’abord comprendre que l’image représente un pavage hyperbolique. Les pavés sont des octogones et à chaque sommet, trois octogones se rencontrent.
Dans un pavage hyperbolique, deux pavés voisins sont les images miroir l’une de l’autre par l’inversion par rapport au cercle qui sous-tend l’arête commune. Ceci est illustré dans l’image ci-dessous, cette fois-ci avec un pavage par hexagones.
Dans l’image d’Escher, ce qu’il a dessiné dans le pavé central, quatre poissons qui tournent dans le sens des aiguilles d’une montre, se répète dans tous les autres pavés. Dans les pavés voisins les poissons tournent dans le même sens.
L’image par inversion leur donnerait pourtant le sens opposé ! Il a donc pris l’image symétrique du pavé central vis à vis un axe de symétrie du pavé central avant d’effectuer l’inversion. Et puis, il a encore adapté les couleurs pour que les poissons alignés aient la même couleur !
Dessiner ça à la main : quel exploit !
Regardons maintenant une courbe en blanc dans le pavé central qui connecte deux sommets, et que l’on a remplacée dans la figure en bas par une courbe en vert.
Pour que cette courbe verte se superpose exactement à ses images par inversion par rapport aux cercles qui prolongent les arêtes (les cercles rouges), il faut que ce soit un cercle perpendiculaire à ces deux arêtes .
Mais cela ne veut pas dire que ce cercle vert est une géodésique ! En fait, la géodésique qui passe par les deux sommets est le cercle bleu dans la figure ci-dessous.
Pour Escher, ce cercle bleu n’a aucun intérêt bien sûr.
Notre cercle vert rencontre le bord du disque avec un angle d’environ 80° et n’est donc pas du tout une géodésique !
Escher n’a dessiné que quatre pavages hyperboliques dans sa vie, donc si on veut rester chez Escher, c’est peut-être une bonne idée d’utiliser dans les exposés l’image ci-dessous, Cirkellimiet I (un pavage par hexagones où six hexagones se rencontrent autour de chaque sommet ).
On y trouve autant de belles (vraies) géodésiques que l’on veut !
L’auteur et la rédaction de Images des Mathématiques remercient les relecteurs Jimmy Dillies, Thomas Sauvaget et Clément Caubel pour leur relecture attentive et leurs commentaires constructifs.
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Pour citer cet article :
Jos Leys — «Ceci n’est pas une géodésique !» — Images des Mathématiques, CNRS, 2018
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Commentaire sur l'article
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