La courbe en cloche... transparente
au Palais de la Découverte
Piste verte Le 4 septembre 2012 Voir les commentaires (9)
La courbe en cloche en a déjà vu de toutes les couleurs
sur Images des mathématiques — verte, bleue, noire... Elle a en effet été le sujet d’un « objet [1] du mois » multicolore (le seul, sans doute) et, comme les véritables vedettes, la voici de retour. Elle est aujourd’hui un authentique objet, transparent mais que vous pourrez voir et toucher, un objet d’expérience, une expérience que vous pourrez faire vous-même si vous vous rendez au Palais de la Découverte [2].
Dans les articles vert-bleu-noir, était présentée une vidéo montrant une simulation d’un objet appelé planche de Galton [3]. La voici reproduite :
Une bille « tombe », verticalement.
Elle rencontre un obstacle. Idéalement, elle tomberait exactement sur la pointe et remonterait verticalement, redescendrait, etc. Et cet article s’arrêterait là. Ce n’est bien sûr pas ce qui se passe, parce que la bille tourne, parce qu’elle ne tombe pas exactement sur la pointe. Elle rebondit donc sur la pointe, à droite ou à gauche et continue à tomber, jusqu’à la prochaine pointe.
Tout se passe comme si elle tirait à pile ou face pour choisir de quel côté aller.
Elle continue à tomber, rencontre un autre obstacle, choisit à nouveau entre droite et gauche, etc. Ce que la simulation modélise, c’est donc un certain nombre (dix, pour être exacte) de tirages « à pile ou face » [4], pour une bille, pour beaucoup de billes. Les billes arrivées en bas prennent la forme de la « courbe en cloche ». Mais le responsable de la rubrique m’a demandé d’être brève. La théorie est expliquée dans les trois articles cités (et aussi dans le fichier pdf tout en bas de cet article).
Tout va bien.
Alors pourquoi cet article, pourquoi ce nouvel objet ? Eh bien, parce que ce que montre cette simulation, c’est... une simulation. Autrement dit, il y a derrière un programme informatique, que vous ne connaissez pas, et vous devez me croire sur parole quand je vous dis ce qui se passe. En plus, cette simulation n’en est pas vraiment une : lorsque vous cliquez sur le triangle, ce n’est pas une nouvelle famille de billes qui est « lancée », mais c’est le même film qui est rejoué. Ainsi vous ne verrez jamais, par exemple, aucune bille arriver tout au bout à droite, alors que la probabilité de « aller dix fois de suite du même côté » n’est pas nulle [5].
L’objet d’aujourd’hui n’est pas une simulation, ni un film qui montre une simulation, c’est un objet. Comme le montrent les photographies, le public fait vraiment l’expérience. Au Palais de la Découverte, les mathématiques sont une activité humaine...
Et en plus, il est beau.
La réalisation matérielle n’a pas été simple. Les hexagones sont une façon de forcer la bille à tomber « comme au début » (verticalement) entre deux obstacles. La théorie en a été expliquée, il y a déjà longtemps, par Paul-Louis Hennequin [6]. C’est à lui que l’idée est due. L’idée a été reprise vers 2005 par Guillaume Reuiller, qui dirige le département de mathématiques du Palais de la Découverte.
Il a fallu aussi trouver une façon (astucieuse) de récupérer les billes. Les photographies en donnent une petite idée, mais... n’hésitez pas à aller voir !
La réalisation a été menée par le plasturgiste Pierre Valenta. Il a beaucoup discuté des détails avec Romain Attal, du département de mathématiques du Palais de la Découverte.
Et la planche « de Galton-Hennequin » est là, depuis cet été.
Merci aux relecteurs dont les noms ou pseudonymes sont Avner Bar-Hen, Ousama Malouf, FlavienK, P.Levallois, pour leur aide à l’amélioration d’une version préliminaire de cet article.
Notes
[1] Sujet d’un objet... ha !
[3] Du nom de Francis Galton, un scientifique tous azimuts : explorateur, anthropologue, statisticien... Comme explorateur, il est l’auteur d’un Petit Manuel de survie, traduit de l’anglais et préfacé par Monique Bégot, Rivages poche / Petite Bibliothèque, me signale un relecteur. C’était un cousin de Darwin. Il est aussi un des personnages du roman Le Conte du biographe, d’A.S. Byatt, Denoël. Et on dit que c’est lui qui a inventé le thé en sachets. Very British. La planche de Galton originelle se trouve au Musée des sciences de Londres, me dit un autre relecteur.
[4] Il semble assez réaliste de penser qu’une bille qui arrive « de droite » va avoir plus tendance à repartir « à gauche » (et inversement, de façon symétrique). Le calcul est fait dans l’article de Paul-Louis Hennequin dont on trouvera un fichier pdf à la fin de l’article. La distribution donne toujours une courbe en cloche, un peu plus aplatie.
[5] Vous trouverez une authentique simulation sur cette page.
[6] Dans un article publié par le Bulletin de l’Association des professeurs de mathématiques, en 1981. Ici une version pdf de cet article.
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Pour citer cet article :
Michèle Audin — «La courbe en cloche... transparente» — Images des Mathématiques, CNRS, 2012
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La courbe en cloche... transparente
le 6 septembre 2012 à 23:31, par ROUX