On a colorié Euclide
Le 18 décembre 2017 Voir les commentaires (6)
... et les « Eléments » en sortent métamorphosés !
Connaissez-vous Oliver Byrne ? Ce n’était pas mon cas jusqu’à récemment. Puis, un beau jour, j’ai vu ça :

Y reconnaissez-vous la preuve du théorème de Pythagore contenue dans les « Éléments » d’Euclide ? Probablement que oui, si vous avez eu la curiosité d’aller la chercher dans l’une des éditions classiques [1] :

Mais ne trouvez-vous pas que les impressions que l’on tire de ces deux mises en page sont radicalement différentes ? Les couleurs ne rendent-elles pas vivant ce texte vénérable, grâce auquel on a initié pendant des millénaires la jeunesse aux raisonnements logiques ? Elles m’ont rappelé le plaisir esthétique que je prenais, étant petit, à tracer des figures de géométrie plane. Je n’utilisais pas ainsi des couleurs, mais je crois que si on m’avait encouragé à le faire, mon plaisir n’aurait été que plus grand.
Oliver Byrne, mathématicien irlandais assez peu connu, est celui qui publia en 1847 une édition des six premiers livres des « Éléments » [2], qu’il illustra intégralement de cette manière haute en couleurs :

Que des couleurs pures, ou bien du noir. Des lignes droites. Souvent perpendiculaires entre elles. Comme dans certaines peintures tardives de Mondrian :

Récemment [3], le dessinateur Bézian publia une bande dessinée bien originale, à double sens de lecture, dans laquelle il imagina que Byrne et Mondrian s’influencèrent mutuellement en rêve :

Qui sait ?
Je trouve que cela ouvre de nouvelles pistes enthousiasmantes pour l’enseignement de la géométrie dans le secondaire. Pourquoi ne pas faire travailler les élèves, une fois un problème de géométrie plane résolu, à la rédaction illustrée de sa preuve ? D’abord en prenant exemple sur Byrne :

Puis en les laissant être emportés par leur inspiration. Les élèves pourraient alors voter pour choisir les preuves les plus joliment illustrées, qui seraient ensuite exposées sur les murs de la classe.
On se plaint que les élèves ne savent plus raisonner, on réfléchit alors doctement à une nouvelle réforme globale des programmes. N’y a-t-il pas là une voie d’amélioration, qui mènerait aux raisonnements corrects par le plaisir esthétique ? Cela passe bien sûr par la création d’un espace de liberté élargi pour les enseignants, afin qu’ils puissent avoir le temps de déployer de tels projets ...
Un grand merci à Dominique Brunet pour m’avoir fait découvrir à la fois le livre de Byrne et la bande dessinée de Bézian !
Notes
[1] L’image est extraite de la traduction faite par F.Peyrard, parue en 1819 chez C-F. Patris, imprimeur-libraire à Paris, et rééditée par Albert Blanchard, Paris, 1993.
[2] Ce livre a été réédité en 2010 par Taschen. Une recension de cette réédition est lisible sur le site de la Mathematical Association of America.
[3] Il en a été fait mention dans la Revue de Presse de Janvier 2016.
Partager cet article
Pour citer cet article :
Patrick Popescu-Pampu — «On a colorié Euclide» — Images des Mathématiques, CNRS, 2017
Laisser un commentaire
Dossiers
Actualités des maths
-
14 février 2020Bob Hummer, le mathémagicien fou (Paris, 20/02)
-
24 janvier 2020Maths & mesure – mesurer le monde (Poitiers, 2020)
-
23 janvier 2020Les nouvelles formes d’argent décentralisé : le Bitcoin et les cryptomonnaies (Montpellier, 29/1)
-
22 janvier 2020Topologie en sous-sol (Paris, 28/1)
-
13 janvier 2020Des tas de sable aux pixels, deux siècles et demi de transport optimal depuis Monge (Paris, 15/1, reportée !)
-
10 janvier 2020Rencontre avec Alecos Papadacos, auteur de Logicomix (Lyon, 16/1)
Commentaire sur l'article
On a colorié Euclide
le 18 décembre 2017 à 10:03, par Bruno Duchesne
On a colorié Euclide
le 21 décembre 2017 à 08:25, par Patrick Popescu-Pampu
On a colorié Euclide
le 12 janvier 2018 à 16:26, par Alain Juhel
Sur Malevitch
le 15 janvier 2018 à 09:13, par Patrick Popescu-Pampu
Sur Malevitch
le 15 janvier 2018 à 21:55, par Alain Juhel
Horizontales et diagonales
le 25 janvier 2018 à 08:52, par Patrick Popescu-Pampu