Le codex d’Archimède
le 10 janvier 2009 à 18:00, par Friedelmeyer
L’article donne très envie de lire ce livre. Je suis cependant très sceptique quant à l’interprétation des lignes curvilignes à la place de segments rectilignes, dans la figure du manuscrit du 16ème siècle, pour la raison suivante. Les Grecs savaient parfaitement faire la différence entre une figure dessinée (représentant par exemple un triangle particulier) et la figure idéale désignant tous les triangles, ou un triangle quelconque. Ils faisaient même mieux la différence que nous, puisqu’ils utilisaient deux termes distincts : διάγραμμα (diagramme)pour le premier et σχήμα (schéma)pour le second. Voici un texte de Platon précisant bien cette différence :
"en outre [ceux qui s’occupent de géométrie] font usage de figures visibles (διάγραμμα), et sur ces figures ils construisent des raisonnements sans avoir à l’esprit ces figures elle-mêmes, mais les figures parfaites (σχήμα) dont celles-ci sont des images(…) Toutes ces figures qu’ils modèlent ou dessinent, qui portent des ombres et produisent des images dans l’eau, ils les emploient comme si c’étaient aussi des images, pour arriver à voir ces objets supérieurs qu’on n’aperçoit que par la pensée. »
( Platon : La République :chap. VI, 510 c–e)
Dans le célèbre épisode de la « Vie des hommes illustres » retraçant la mort d’Archimède, Plutarque écrit :
il était seul avec lui - même, en train d’examiner quelque chose sur une figure tracée (διαγράμματος), et, ayant donné à la contemplation à la fois sa pensée et son regard, il ne perçut rien ni des Romains qui couraient partout, ni de la ville prise » (Plutarque, Vie des hommes illustres, chap. VII)
Et lorsque Euclide parle des figures (déf. 14 du Livre I par exemple), il utilise toujours le mot σχήμα